Le comité de l’abus de droit fiscal a été appelé à se prononcer sur une opération de donation de somme d’argent avec réserve d’usufruit. Analyse et commentaires.
Le comité de l’abus de droit fiscal a été appelé à se prononcer sur une opération de donation de somme d’argent avec réserve d’usufruit. Analyse et commentaires des experts du département ingéniérie patrimoniale de Lazard Frères gestion.
Une mère avait consenti à ses deux enfants une donation de somme d’argent avec réserve d’usufruit en décembre 2010. La somme donnée s’élevait à 3,2 M€, soit 1,6 M€ pour chacun des deux enfants.
Suite au décès de la mère, intervenu en décembre 2015, ses deux enfants ont porté au passif de la succession la dette de restitution de 3,2 M€ relative au quasi-usufruit.
En effet, la mère était restée en possession de la somme d’argent donnée puisque l’usufruitier d’une somme d’argent jouit d’un quasi-usufruit et peut conserver la somme d’argent à charge de rendre à la fin de l’usufruit une somme équivalente conformément à l’article 587 du Code civil.
L’administration a rejeté cette déduction et mis en œuvre la procédure d’abus de droit considérant que la donation était fictive faute de dessaisissement de la donatrice et, par suite, d’intention libérale.
Rappelons à cet égard que l’article 894 du Code civil dispose que « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte ».
Le comité de l’abus de droit fiscal a constaté, au vu des éléments qui lui étaient produits, que la mère était au jour de la donation titulaire d’une somme d’argent de 2 952 150 €.
Il en a déduit que l’acte de donation devait être considéré comme fictif à hauteur de la somme de 247 850 € correspondant à la différence entre le montant donné (3 200 000 €) et la somme d’argent effectivement détenue par la donatrice au jour de la donation (2 952 150 €) et que cet acte ne pouvait conduire, dans cette proportion, à la constatation d’une dette déductible de l’actif successoral.
Le comité en a déduit en conséquence que l’administration n’était fondée à mettre en œuvre la procédure d’abus de droit que pour réduire de 247 850 € le montant de la dette déductible de l’actif successoral.
Cet avis du comité de l’abus de droit semble donc valider les donations de sommes d’argent avec réserve d’usufruit pour autant que le donateur possède, au jour de la donation, les liquidités correspondantes.
Précisions néanmoins que l’administration peut contester une opération sur le fondement de l’abus de droit soit parce qu’elle est fictive – c’est la voie utilisée par l’administration dans cette affaire – soit parce qu’elle était inspirée par un motif exclusivement ou principalement fiscal (art. L 64 et L64 A du Livre des Procédures Fiscales).
Il n’est pas possible d’affirmer que le comité aurait eu une position identique en présence d’une contestation sur le fondement du but principalement ou exclusivement fiscal.
Par ailleurs, on ne peut exclure qu’une juridiction appelée à se prononcer sur une donation de somme d’argent avec réserve d’usufruit puisse avoir une approche différente de celle retenue par le comité de l’abus de droit fiscal.
Cela étant, relevons que sur une opération portant, non pas sur une donation de somme d’argent avec réserve d’usufruit mais, sur une donation de titres avec réserve d’usufruit suivie de la cession des titres donnés et de la mise en place d’un quasi-usufruit sur le prix de vente, le Conseil d’Etat a considéré, dans un arrêt du 10 février 2017, qu’il n’y avait pas abus de droit.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a considéré que le quasi-usufruit sur le prix de vente ne remettait pas en cause l’intention libérale du donateur qui restait redevable à l’égard des donataires, d’une créance équivalente au produit de la cession.
(source : Lazard Frères Gestion)