Promulguée en juin 2014, la loi Eckert, relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, oblige les banques à transférer les comptes inactifs de leurs clients à la Caisse des dépôts. La Cour des comptes vient de faire un premier bilan du système. Peut mieux faire !
En pratique un compte bancaire ou un contrat d’assurance-vie est considéré inactif ou en déshérence après 1 an sans opération ni manifestation du titulaire du compte ou du souscripteur du contrat. Dans ce cas, l’établissement financier tenant le compte ou le contrat envoie est tenu d’envoyer un courrier à la dernière adresse connue du bénéficiaire, l’invitant à se manifester pour éviter la clôture de son compte ou de son contrat d’assurance-vie. Sans réponse aux courriers après les délais prévus, l’établissement financier clôture le compte ou le contrat d’assurance-vie et transfère le solde à la Caisse des Dépôts. La Caisse des Dépôts conserve l’argent pendant 20 ans mais ne recherche ni les titulaires de comptes inactifs, ni les souscripteurs de contrats d’assurance-vie en déshérence, ni les bénéficiaires de ces sommes. Ce sont ces derniers qui doivent se rendre sur le site Ciclade.fr pour faire une recherche. Après 30 ans d’inactivité et sans manifestation du bénéficiaire, l’argent est définitivement reversé à l’État. Il n’est alors plus possible d’en demander la restitution.
En 2016, première année de plein exercice de la loi, un total de 4,63 millions de Livrets A, oubliés par leurs titulaires depuis 10 ans au moins, a été transféré à la Caisse des Dépôts (CDC), pour un montant total d’environ un milliard d’euros. Des chiffres impressionnants, conséquence de l’apurement du stock oublié depuis des décennies.
En 2017, ce sont 565 000 Livrets A inactifs qui ont quitté les banques pour la CDC, auxquels s’ajoutent près de 24 000 Livrets de développement durable et solidaire (LDDS) et 1 500 Livrets d’épargne populaire (LEP).
10 fois moins nombreux, mais 20 plus juteux ! En 2016, les Livrets A transférés étaient crédités en moyenne de 21 euros, contre 458 euros en 2017. Soit un résiduel total d’un peu plus de 259 millions d’euros. Il est de 523 euros pour les LDDS (12,4 millions au total), et de plus de 1 500 pour le LEP (2,3 millions au total).
En 2018, 5,1 milliards d’euros, qui dorment sur des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance vie en déshérence, ont été transférés à la Caisse des dépôts et attendent d’être réclamés par leurs bénéficiaires. Mais seuls 385 000 euros ont été restitués à leurs propriétaires. Et cela ne risque pas de s’améliorer à en croire la Cour de comptes.
Selon l’Institution, la restitution des sommes aux épargnants se heurte à certains obstacles notamment lors de la recherche sur le site Ciclade : plusieurs types d’avoirs ne peuvent être demandés que par courrier, tandis que certains produits d’épargne salariale sont traités sur un autre site internet. Par ailleurs, aucune solution de recherche n’est offerte aux associations bénéficiaires de contrats d’assurance vie non informées par le souscripteur, car Ciclade ne prend en compte que les données de l’assuré et non celles du bénéficiaire.
En plus, le traitement des demandes est encore long et peu lisible. Sur les 18 premiers mois de fonctionnement, le délai moyen de restitution s’élève à 6,4 mois. S’il tend à diminuer, il atteignait encore 5,3 mois sur les huit premiers mois de l’année 2018. Cependant, la Caisse des dépôts (CDC), qui gère Ciclade, a annoncé des améliorations, avec pour objectif d’abaisser à trois mois le délai moyen de traitement.
La Cour des comptes demande à la CDC de développer les fonctionnalités et l’ergonomie du site Ciclade, afin de faciliter la recherche par les épargnants des avoirs transférés, mais également d’optimiser les processus de traitement interne des demandes des usagers pour raccourcir les délais de restitution des avoirs.
La Direction générale du Trésor est pour sa part encouragée à prévoir une disposition obligeant les banques à produire un compte-rendu annuel des comptes inactifs à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Elle est également invitée à mieux définir les modalités d’application de la déshérence aux contrats d’assurance vie de retraite supplémentaire, qui représentent un « gisement de déshérence potentielle », selon la Cour des comptes.