En plein Festival de Cannes, un rapport vient jeter un pavé dans la mare. Les Sofica, les Société de financement du cinéma et de l’audiovisuel ne sont pas rentables, elles prélèvent trop de frais et sont mal gérées. A l’heure ou le gouvernement réfléchi à supprimer les niches fiscales, la question de la suppression des Sofica va t-elle se poser ?
Le président Emmanuel Macron a décidé de débloquer 225 millions d’euros pour les industries culturelles et créatives. Ce nouveau fonds qui sera géré par Bpifrance et qui bénéficiera de l’expertise de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) doit permettre de compenser la fuite des financements suie à la suppressions de l’ISF (impôt sur la fortune). De nombreux films bénéficiaient de la niche ISF PME, une niche fiscale qui permettait de déduire de son ISF les investissements effectués dans des PME, notamment les sociétés de production de cinéma. C’est d’ailleurs une des propositions du rapport commandé, il y a un an, au producteur Dominique Boutonnat par le ministère de la culture, Bercy et le ministère de l’action et des comptes publics, pour changer la donne dans « le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles. » Car pour Dominique Boutonnat, « Aujourd’hui, le 7e art, très corseté et régulé, reste financé en France par une série d’acteurs qui reçoivent des aides du CNC, comme les chaînes de télévision, les producteurs, les distributeurs et les chargés de ventes internationales. A cela, s’ajoute une vaste palette d’aides publiques, le crédit d’impôt et un outil de défiscalisation créée en 1985, les Sofica. » Des dispositifs inefficaces, coûteux et mal gérés !
Les Sofica sont des structures d’investissement dans le cinéma ouvertes au public qui permettent de lever chaque année 60 millions d’euros pour financer le cinéma. Pour l’investisseur, les Sofica proposent une réduction d’impôt de 48 % depuis 2017 du montant investi dans la limite de 18 000 euros (ou 25 % des revenus du foyer). Selon le rapport Boutonnat entre 2002 et 2011, les Sofica financent des projets à perte. Elles ont récupéré en moyenne 82 % de leur mise. Pis, les Sofica prélèvent 19 % de frais de gestion, qui viennent encore réduire le rendement. Résultats, le seul intérêt du produit est son avantage fiscal. Et encore, avantage fiscal inclus, la rentabilité est de 1,9 %, soit autant qu’un contrat d’assurance vie en euros qui ne présente aucun risques. Le rapport Boutonnat préconise de revoir le système en maintenant une carotte fiscale pour le soutien à la production audiovisuelle mais par une réduction d’impôt ramenée à 30 % (contre 48 % aujourd’hui). A dépense fiscale égale pour l’État (environ 30 millions d’euros), « cela permettrait de conserver un taux attractif pour les souscripteurs et de porter la collecte à 90 millions d’euros. Les capacités d’investissement seraient ainsi améliorées au bénéfice des performances. » Une réforme qui doit permettre d’alléger les contraintes d’investissement des Sofica pour qu’elles soient en mesure de viser des œuvres plus rentables et assouplir leurs conditions de gestion pour faire baisser le niveau de leurs frais. Dominique Boutonnat propose aussi, comme le permet la nouvelle loi Pacte, d’orienter les fonds d’assurance-vie vers les industries de l’image avec la mise en place de fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI) et de fonds commun de placement à risque (FCPR) dédiés. L’auteur du rapport pense que le cinéma peut « être un actif particulièrement intéressant pour des investisseurs financiers » et que l’arrivée de ces derniers « permettrait de rapprocher ce secteur du reste de l’économie réelle. Car le manque de transparence et l’intervention publique trop importante rendent les circuits de financements complexes ». D’autant que la rentabilité du cinéma en France est faible. Seuls 10 % à 12 % des films sont bénéficiaires deux ans après leur sortie en salles.